Justice

Refus par la Cour d’appel de bordeaux de reconnaitre l’existence d’un accident du travail dans la mesure où le salarié échoue à démontrer l’existence d’un fait accidentel soudain.
Par ailleurs, la Cour note une installation progressive d’un mal être au travail et donc s’inscrivant dans la durée, incompatible avec la notion d’accident du travail.
CA Bordeaux, 30 septembre 2021, n° 19/03847

Texte intégral

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE – SECTION B


ARRÊT DU : 30 SEPTEMBRE 2021

(Rédacteur : Monsieur Eric VEYSSIERE, Président)

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 19/03847 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LD6M

Monsieur A X

c/

CPAM DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d’huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 mai 2019 (R.G. n°19/00100) par le pôle social Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX, suivant déclaration d’appel du 08 juillet 2019,

APPELANT :

Monsieur A X

né le […] à Oujda

de nationalité Marocaine, demeurant […], […], […]. […]

représenté par Me Paul CESSO, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité audit siège social. […]

représentée par Me Jessica GARAUD substituant Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 01 juillet 2021, en audience publique, devant Monsieur Eric VEYSSIERE, Président chargé d’instruire l’affaire, qui a retenu l’affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Emmanuelle Leboucher, conseillère

Monsieur Hervé Ballereau, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,

ARRÊT :

— contradictoire

— prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 19 juillet 2018, M. A X a complété une déclaration d’accident du travail, qui serait survenu le 8 juin 2018, faisant état de : ‘harcèlement au travail avec l’employeur ; harcèlement de l’employeur devant les clients (suite dépression)‘.

Par décision du 15 octobre 2018, la caisse primaire d’assurance maladie de la Gironde a refusé de prendre en charge l’accident de M. X au titre de la législation professionnelle.

Le 19 décembre 2018, M. X a saisi la commission de recours amiable de la caisse aux fins de contester cette décision.

Par décision du 15 janvier 2019, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté son recours.

Le 25 janvier 2019, M. X a contesté cette décision devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde, dont les compétences ont été transférées au pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux au 1er janvier 2019.

Par jugement du 28 mai 2019, le tribunal a :

— débouté M. X du recours formé à l’encontre de la décision de la commission de recours amiable du 15 janvier 2019′;

— jugé que l’accident du 8 juin 2018 par M. X ne pouvait être pris en charge au titre de

la législation professionnelle’;

— jugé que chaque partie conserverait la charge de ses dépens.

Par déclaration du 8 juillet 2019, M. X a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 7 octobre 2019, M. X sollicite de la cour qu’elle infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :

— ordonne la prise en charge de son accident du 8 juin 2018 au titre de la législation sur les accidents du travail’;

— condamne la caisse aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par ses dernières conclusions enregistrées le 18 mai 2021, la caisse demande à la cour de:

— confirmer le jugement déféré’;

— débouter M. X de l’ensemble de ses demandes comme non fondées ni justifiées’;

— condamner M. X au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En application de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale, ‘est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise’.

Il appartient à celui qui allègue avoir été victime d’un accident du travail de rapporter la preuve, par tous moyens, de la survenance d’un fait accidentel soudain au temps et au lieu du travail ayant engendré une lésion médicalement constatable en relation avec ledit fait.

En l’espèce, M. X exerçait la profession de vendeur dans un bureau de tabac lorsqu’il a déclaré avoir été victime, le 8 juin 2018, d’un accident du travail. Il soutient avoir été agressé verbalement ce matin-là, par la gérante de l’établissement, Mme Y, et ce devant des clients.

L’employeur de M. X n’a complété de déclaration d’accident du travail que le 19 juillet 2018, avançant ne pas avoir eu conscience qu’il s’agissait d’un accident du travail. En effet, Mme Y a joint à la déclaration une lettre dans laquelle elle indique avoir informé M. X qu’elle souhaitait lui parler à 13h00 et que devant son insistance, elle lui avait expliqué que des clients s’étaient plaint de son comportement et de sa façon de parler. À la suite de cela, le salarié aurait ‘pris ses clés de voiture en abandonnant son poste de travail‘.

M. X ayant également complété une déclaration d’accident du travail le 19 juillet 2018, faisant elle, mention de faits de harcèlement, la caisse a diligenté une enquête par le biais de questionnaires adressés à l’employeur et au salarié. Mme Y a complété et retourné son exemplaire le 2 août 2018, maintenant qu’il n’y avait rien eu d’autre que des remarques. M. X, lui, a adressé le 7 septembre 2018 un courrier à la caisse dans lequel il a attesté

que les faits ont été filmés et qu’il avait un témoin, ce que l’employeur conteste.

La caisse a effectivement été destinataire d’une lettre signée par une cliente du tabac, Mme C Z, dans laquelle elle évoque des ‘injures, des mauvaises et inhumaines paroles‘, sans toutefois préciser à quelle date ces évènements seraient survenus. Mme Z dit ‘avoir été témoin un printemps des faits‘ et soutient que d’autres clients ont assisté à la scène, ce dont M. X ne fournit pas la preuve.

De plus l’assuré n’a renvoyé son questionnaire que le 27 novembre 2018, soit postérieurement à la notification de refus de prise en charge de l’accident par la caisse, partiellement rempli et sans ajouter le moindre élément susceptible de constituer une preuve des faits allégués.

En outre, M. X a fait établir un certificat médical initial le 8 juin 2018 constatant’: ‘ce matin agression verbale devant les clients (ATCD réguliers ‘ propos humiliants, fausses accusations, compatibles avec un harcèlement moral professionnel)‘. Un second certificat également daté du 8 juin 2018 mentionne’: ‘ce matin agression verbale devant les clients du tabac voisin (ATCD réguliers de propos humiliants, fausses accusations dans les deux magasins (harcèlement moral)‘. Un troisième document annoté comme «’complémentaire le 19/07/2018’» décrit, lui’: ‘altération de l’état général (-10%), syndrome anxiodépressif avec crises de nerfs, de larmes, insomnies, cauchemars, oppression thoracique, vertiges, sentiment profond d’injustice chez un handicapé ayant déployé beaucoup d’efforts pour son travail‘.

Tous ces éléments tendent à confirmer que l’état de santé de M. X résulte d’un mal-être au travail qui se serait installé progressivement suite à des actions répétées et s’inscrirait donc dans la durée. Ainsi, l’assuré ne parvenant pas à faire la démonstration, autrement que par ses propres dires qu’il a bien été victime d’un fait soudain et précis au temps et au lieu du travail, il convient de confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal de grande instance de Bordeaux le 28 mai 2019.

En application de l’article 696 du code de procédure civile, M. X, qui succombe, sera condamné aux dépens de l’appel.

En revanche, l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code précité.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement entrepris’;

Y ajoutant’;

CONDAMNE M. X aux dépens de l’appel’;

DIT qu’il n’y a pas lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Evelyne Gombaud, greffière, à

laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

E. Gombaud E. Veyssière